Je m’appelle Netariah, je suis une jeune elfe noire. J’ai été élevée par ma tante dans un petit village à coté du temple de Shilien. Ma mère était la grande prêtresse de mon village, et, à vrai dire, je ne la connais pas du tout… Elle a refusé de m’élever au risque de perdre son statut de grande prêtresse de notre village. Elle me confia donc à sa sœur, une guerrière accomplie, spécialisée dans le maniement de deux épées, technique ô combien difficile à apprendre mais aussi belle à voir que mortelle. Ma tante m’apprit la plus grande partie de ce que je sais, et m’éleva comme sa propre fille, traçant mon chemin comme l’avait été le sien, dans le but de faire de moi la meilleure.
Je faisais également partie d’un petit groupe de personnes, exclusivement des femmes. C’est ma tante elle-même qui m’admit dans ce cercle très fermé et très sélectif. Nous constituions un groupe élitiste de notre race, la placant au dessus de toutes les autres, comme celle dotée de tous les dons, à l’opposé des elfes blancs, ces larves, ces incapables êtres, ne méritant même pas qu’on leur adresse la parole… Ils n’étaient à mes yeux là que pour nous servir, nous, la race choisie des dieux. Ma tante m’a toujours élevé dans cette optique-là, allant jusqu'à rabaisser les males de notre village. Elle me disait souvent qu’ils ne servaient que de fourreaux aux épées des ennemis, juste utiles en première ligne lors des affrontements de clans. Ils sont si lents, si lourdauds, et très loin d’avoir l’élégance et la grâce des femmes elfes noires, qui sont aussi belles que dangereuses, gracieuses dans leurs mouvements et qui portent toujours leurs coups dans le but de faire souffrir l’adversaire le moins possible, le précipitant prématurément vers une mort certaine… Ma tante me disait toujours que la souffrance n’apportait jamais rien, seul la mort devait être donnée…
Mon entraînement touchait à sa fin, ma tante n’avait plus rien à m’apprendre, nous nous entraînions des heures, elle et moi. Des entraînements longs et durs, mais qui me durcissait de jours en jours. Nous nous retrouvions tous les soirs, couvertes de blessures et d’écorchures, pensant nos plaies comme nous pouvions. Nous étions toujours prêtes, le lendemain, à recommencer, ne pensant même plus aux souffrances de la veille. Un soir, ma tante me confia une dernière épreuve, pour terminer mon entraînement. Elle me dit que, certains soirs, des elfes blancs traînaient dans la foret non loin d’ici.
- Va dans cette foret et rapporte moi la tête de l’un d’eux…
Je pris mes épées et partis sans dire mot, heureuse de la confiance que me portait ma tante, confiante en moi et en ce que j’étais… une elfe noire, membre de la plus puissante des races ! J’en étais tellement convaincue. Il ne me fallut pas longtemps pour rencontrer un elfe blanc, marchant innocemment dans cette foret sombre. Je m’approchais lentement, furtivement, soucieuse de ne faire aucun bruit. Je surgis brusquement, mes armes aux poings, sure de moi et de son infériorité. J’étais une elfe noire après tout, je ne pouvais connaître la défaite… Et pourtant…
Je fus trop sure de moi, j’ai sous-estimé leurs forces… Je pensais n’avoir à faire qu’à un elfe blanc… j’avais presque gagné… quand une flèche me perça la poitrine… Mon cœur se vida et je demeurai figée, immobile, contemplant les fondements même de mon éducation s’écrouler à mes pieds. Ce n’était pas possible… Je ne pouvais pas faillir… C’était impossible… Je me suis écroulée de douleur, les yeux perdus dans le vide, tandis que les elfes blancs prenaient lâchement la fuite. Mes forces et mes espoirs m’abandonnaient, et je ne ressentais la douleur aigue de la flèche entre mes omoplates que comme une insignifiante piqûre… Puis tout devient flou, et je perdis connaissance… Je ne sais pas combien de temps… Une heure, peut-être plus… Je me réveillais en sueur, harcelée par cette douleur plus que réelle… Au loin j’aperçus une grotte, un endroit plus abrité que cette foret, plus sûr pour reprendre ses esprits… Je rampais tant bien que mal, essayant d’oublier cette douleur, me rapprochant de la grotte à chaque mouvement. J’étais perdue, incapable de retourner chez moi, et surtout trop humiliée pour cela. Que penserait ma tante ? Elle qui me faisait confiance, qui croyait en moi… J’ai brisé cette confiance, j’ai failli !
Dès ce moment, je fus submergée de doutes. Et si tout ce qu’on m’avait appris, sur notre race, sur les elfes blancs, si tout était faux… J’étais désespérée, tremblant de froid, la flèche toujours plantée en moi, mon sang s’ecoulant peu a peu sur le sol. Je m’affaiblissais de plus en plus. Ma vision se troubla une nouvelle fois. Je cru voir un mirage, une autre de mes semblables, une ravissante jeune femme, entourée de lumière qui courrait en ma direction. A ce moment, tout vacilla et je m’évanouissais pour de bon…
- Voila, c’est a peu près tout, c’est tout ce que je puis vous raconter jusque maintenant.
- Je vois, répondit elle.
Je regardais la jeune elfe noir dont je ne connaissais toujours pas le nom. Elle m’avait guéri de ma blessure et sa voix douce m’apaisait et me faisait paraître le futur moins sombre…